Le bus les largua en pleine brousse sous le soleil. Alex eut comme premier réflexe d’attacher ses cheveux en chignon sur sa nuque et de poser un grand chapeau de paille dessus. Gabriel, lui n’avait aucun besoin de se protéger du soleil. Sa peau sombre et lisse comme du charbon poli l’immunisait contre la canicule.
Le contraste la frappa sur le coup. Loin des ruelles exiguës et surpeuplées de la ville de Dakar, le village offrait de grands boulevards, très souvent déserts. Quand Gabriel la prévint qu’une longue marche les attendait, elle avait opté pour un dress code plus approprié et s’était vêtue d’un pagne vert turquoise, noué à la taille à la façon sénégalaise, un haut moulant bleu, et sous le pagne un petit slip en coton, qu’elle n’aurait pas mis si Gabriel n’avait pas autant insisté. « Il fait trop chaud et je veux pas que ça m’irrite » avait-elle plaidé en vain.
Ils marchèrent longtemps, entourés partout d’arbres, d’épis de mil, traversant des champs, où des rares personnes les regardaient passer d’un œil curieux. Alex avait peur d’attraper une insolation, aussi proposa t-elle, lorsqu’ils furent à hauteur d’un grand arbre près d’un ruisseau de faire une halte, de manger un peu, s’hydrater, se reposer. Elle en avait besoin, elle, pas la machine qui lui servait de compagnon. « Je te porte sur le dos, s’il te plait » avait-il proposé en riant, avant de s’asseoir à son tour sur la natte pour déguster le pique-nique improvisé.
Le crépuscule commença à poindre. Alex se leva, s’étira et regarda l’horizon qui dorait légèrement. Gabriel se leva à son tour et scruta le soleil couchant.
- Faut qu’on se dépêche. Dans une heure il fera sombre.
Alex regarda sa montre.
- 17h45. Et on y est dans combien de temps, chez toi ?
Gabriel tourna vers sa droite, le regard perdu au loin.
- Trente minutes à tout casser. Dix avec une bonne allure.
Il se baissa pour commencer à ranger quand Alex le prit par le col. Il était bien plus grand qu’elle mais lorsqu’elle ramena son visage à hauteur du sien, elle lui sourit gentiment. Lui aussi souriait, il aimait quand elle prenait des initiatives avec ces manières.
- C’est bon, on a le temps dans ce cas, murmura t-elle avant de l’embrasser.
Il se recula légèrement.
- La nuit va tomber, on peut pas traîner ici. Je t’ai dit, les réalités du village sont pas les mêmes qu’en ville. Y’a des heures vaut mieux pas être dehors.
Alex, regarda rapidement autour d’elle.
- Je m’en fous ! T’as des gris-gris ou je sais pas trop quoi, tu les activeras. Mais pour l’instant fais marcher ta sorcellerie sur moi.
Il ne put s’empêcher de rire. Il hésita malgré tout, mais se décida à concéder quelques baisers. Tandis qu’ils se tenaient là, debout, Alex sentit une main glisser prestement sous son pagne. La chair tendre de son cou était soumise au supplice que lui infligeaient une langue et des dents expertes. Des frémissements parcoururent son corps… elle dégagea ses longs cheveux dorés de sa main, pour encore mieux découvrir sa chair rosie par le soleil. Le souffle chaud de Gabriel dans sa nuque la brûlait agréablement. Lorsque sa langue s’introduisît dans son oreille, elle vibra littéralement et enfonça ses ongles dans son dos musclé.
Des doigts effleuraient ses lèvres à travers sa culotte; tantôt dessinaient des cercles dans un sens, tantôt dans l’autre sens, dans une lenteur sensuelle; lui torturant délicieusement le clitoris. Elle gémit :
- salaud, tu me mets dans un tel état.
Elle ouvrit les yeux et regarda les environs. Personne en vue. Elle dénoua son pagne, déboutonna le jeans de Gabriel, lui empoigna la verge et se mit à le masturber. Un doigt se faufila en elle, puis deux, allant fouiller jusqu’au plus profond de son intimité. Elle hoqueta quelque chose sensuellement, le souffle court. Sa respiration s’accélérait. D’une dextérité extraordinaire, il s’acharnait sur son petit bouton intérieur. Elle se resserra vivement autour de ses doigts. Elle tremblait, ses jambes liquéfiées. Elle ferma les yeux à nouveau, perdue dans une chute aux enfers si exquise.
Son corps ondulait contre cette masse d’ébène, se frottait à son cuir aussi doux que la soie. Elle le voulait en elle pour combler ce vide qui grandissait, au fur et à mesure qu’il mordait, léchait, fouillait, chatouillait.
- Je te veux en moi, souffla t-elle entre deux râles, tout de suite.
Son autre main se referma autour de son phallus et elle se mit à la secouer doucement d’en haut en bas, de plus en plus frénétiquement, à mesure que les doigts de Gabriel accéléraient la cadence en elle.
Il fit soudain une chaleur insupportable pour Alex, comme si le soleil brûlait ses dernières lueurs depuis ses entrailles, quelque chose déferla au plus profond d’elle, entraînant un violent séisme orgasmique qui contracta chaque parcelle de son être. De petites secousses s’enchaînèrent, fulgurantes, à intervalles réguliers durant quelques secondes encore; elle ouvrit les yeux pour le regarder. Il la regardait aussi. Lorsque leurs lèvres se touchèrent, sa langue glissa entre les siennes, c’était intense… Il se dégagea le temps de s’asseoir en tailleur et profitant d’une seconde où Alex s’ajustait au dessus de lui, pénétra de toute sa longueur.
Elle crut d’abord s’être assise sur un pilier ardent, qui enflammait ses profondeurs. Elle avait les muscles bandés, la bouche grande ouverte, les sourcils froncés, sa respiration irrégulière…Lentement leurs températures se synchronisèrent. Ses puissantes mains lui tenaient la taille, ses pupilles dilatées, d’un noir d’abysse la fixaient.
Elle savait qu’il était en extase. Il la désirait et adorait être en elle, autant qu’elle le désirait et adorait qu’il soit en elle, sinon plus. Pendant un moment elle prit les choses en main, glissant le long de son sexe huilé de cyprine, puis il s’allongea sur le dos, les coudes posés au sol. Ses abdos se dessinaient parfaitement, durs comme du béton, durs comme ce pieux de chair qui dansait dans son vagin. Elle cala ses mains sur son torse moite et solide. Chaque mouvement qu’elle faisait était une torture voluptueuse, son vagin était tendu à ses limites.
Elle se mit à califourchon, oscillant sur lui. Quand elle ouvrit les yeux leurs regards se croisèrent, son visage exprimait son extrême jouissance. Cela l’excita d’avantage, si tant est qu’elle pu l’être d’avantage; elle cambra le dos, toujours accroupie et posa les genoux à terre, buste penché en avant de sorte que ses seins étaient à hauteur de son visage. Avec sa langue Gabriel fouetta ses mamelons l’un après l’autre, ses dents vinrent les cueillir tendrement puis ses lèvres les sucèrent avec fougue.
Lorsque des convulsions la saisirent de nouveau, elle ne pu s’empêcher de mordre dans la chair de son épaule. Gabriel grogna, de douleur et de plaisir. Ses bras étreignirent Alex solidement et la plaquèrent contre lui. Elle sut qu’il allait lui rendre la monnaie de sa pièce. Son cœur tambourina si fort qu’elle en eut presque mal, elle appréhendait la suite avec excitation. Elle savait ce qui arrivait à chaque fois qu’il la plaquait ainsi; à plat ventre contre le lit; dos contre le mur; quand il l’enlaçait de la sorte; pourtant elle n’arrivait pas encore à s’y faire. Jamais elle n’y arriverait.
Leurs corps étaient collés par une fine lame de sueur. Dans cette position, écartelée, pressée contre lui, elle l’avait en elle plus profondément que jamais. Il lui semblait que plus ils faisaient l’amour, plus elle s’ouvrait et plus il pouvait aller en profondeur. Il savait qu’elle savait, qu’elle attendait, rien qu’en la regardant droit dans les yeux. Alex avait les pupilles dilatées au maximum, comme d’autres parties de son anatomie. Il n’y eut pas de transition.
Il poussa avec son bassin vers le haut, touchant le fond en elle. Un hoquet s’échappa de la gorge d’Alex au même moment. Elle roula des yeux comme démente. Elle se serait dégagée si des bras ne la retenaient pas si fort. Elle plongea ses ongles dans sa chair et sentit le cuir céder à mesure qu’ils s’enfonçaient dans sa peau pour y laisser des traces. Elle aurait juré qu’il faisait une centaine d’aller-retour par seconde.
Le rythme devint bientôt insoutenable pour elle et elle essaya d’étouffer ses hoquets en se mordant la lèvre. Quand elle réalisa subitement qu’ils étaient en pleine nature, personne dans les environs pour les entendre, Alex explosa dans un concert de gémissement bruyants, aigus, ponctués par les puissants coups de reins qui tambourinaient à une vitesse vertigineuse. Elle haletait. Ses mains empoignèrent ses propres cheveux qui lui tombaient sauvagement sur le visage. Tout allait trop vite, les coups de reins, sa respiration, les palpitations de son coeur.
Des soubresauts s’enchaînèrent plus violents, les uns après les autres. Gabriel la serra plus fort, ses muscles bandèrent, tandis que sa liqueur se répandait en elle comme une coulée de lave. L’instant favori d’Alex. Elle ne se dégagea pas lorsque l’étreinte de Gabriel se relâcha. Elle resta là, clouée contre son torse. Son esprit perdu quelque part, très probablement pour bon, sa tête enfouie dans le cou épais de Gabriel. Il riait à gorge déployée. C’étaient là les effets secondaires de l’orgasme chez lui. Il piquait toujours un fou rire pendant un moment.
Des larmes coulaient sur les joues d’Alex. Gabriel le sentit. Il la regarda, interloqué, son rire s’arrêta net.
- Qu’est ce qui se passe ? Je t’ai fait mal ? ” Demanda t-il surpris.
- Non ” chuchota t- elle, le sourire aux lèvres.
Non elle n’avait pas mal. Ce n’était pas non plus la première fois que cela lui arrivait, mais très souvent dans la pénombre de la lumière tamisée, en levrette, ses larmes passaient inaperçues de Gabriel. Il venait simplement de la baiser encore, d’une de ces façons extraordinaires que lui seul savait faire. Quand elle vit qu’il semblait toujours perplexe, elle l’embrassa sur les lèvres.
- juste quelques effets secondaires.
Le double bip de sa montre annonça 18h.
- Faut qu’on parte trancha Gabriel d’une voix sans recours. Tout de suite.
Il se leva, enfila ses chaussures pendant qu’Alex ajustait son pagne. Quand elle fut prête à partir, elle le surprit en train de fixer un arbre desséché à plusieurs mètres, l’air grave.
- Qu’est ce que c’est ? Demanda t-elle en plissant les yeux pour mieux voir.
La pénombre s’installait. Il fronça les sourcils encore un moment puis faisant volte face subitement se mit à marcher en direction des sommets des cases à quelques centaines de mètres.
- L’obscurité arrive trop vite. Marmonna t-il.
Alex lui emboîta le pas. Elle connaissait toutes les expressions de Gabriel et celle qu’il avait sur son visage, c’était celle d’une intense concentration, quand son cerveau bouillonnait. Elle-même savait que quelque chose semblait différent dans l’atmosphère depuis un petit moment, mais elle ignorait quoi. Tout était subitement tout calme, comme si les épis de mil hauts perchés avaient peur de se balancer et retenaient leur souffle. Une phrase lui vint à l’esprit, lue dans un roman : « la nuit est sombre et pleine de terreur.»
- Gabi ? Hasarda t-elle
Il lui prit la main, et se força à sourire.
- Cours ! Aussi vite que tu peux. Et ne te retourne pas. »