Un gentil bonhomme dans le clando (taxi collectif) dégaine son sandwich. Tranquillement assis sur la banquette arrière, il épluche le papier pour découvrir le bout du pain. Il mort la tête, l’odeur du thon, de la mayonaisse, d’oeuf brouillé, de moutarde, et d’épices se répand dans la voiture. Il se délecte visiblement de cette bouchée, loin de s’imaginer le drame qui l’attendait. Avec un sourire cordial, il invite chacun, tour à tour, à partager son petit déjeuner. A l’arrière nous déclinons, et il propose au rastaman à l’avant.
Sans hésiter, ce dernier saisit le pain fraîchement mordu, remercie le bonhomme pour son geste, se réinstalle confortablement sur son siège… et life goes on. Le gentil bonhomme, qui vient de réaliser que 10 secondes peuvent être très longue lorgne vers le rasta. Ses yeux commencent à se gorger de sang, une veine tambourine sur sa tempe, il serre la mâchoire. Probablement sous le choc, il attend, le retour du sandwich prodigue. Mais le rastaman est déjà absorbé dans les tribulations d’une rude journée qui commence. Sans doute, est-il d’ailleurs en train de rendre grâce à Dieu, pour ce repas matinal qui tombe entre ses mains miraculeusement.
J’attends de voir la réaction du propriétaire du gentil bonhomme. Il attend de voir la réaction du rastaman, en écrasant la petite boule de papier entre sa main, souvenir d’un sandwich longtemps perdu dans dans les méandres de la courtoisie. A un moment, le gentil bonhomme tend la main vers l’épaule du rasta. La voiture serre à droite, je règle ma course, et descend… Je suis arrivé à ma destination.
Qui a mangé le sandwich? Hélas…