Je me souviens d’une conversation avec une jeune femme, sur le sujet de l’indépendance. Elle me disait : même si on vit chez les parents, où on paye les factures, contribue aux dépenses mensuelles, on n’est toujours pas indépendant.
Au Sénégal pourtant, beaucoup de jeunes hommes sont dans cette situation, pour de multiples raisons. Sont ils vraiment dépendants? Qu’est ce qui constitue l’indépendance? Est ce réellement le fait de quitter la maison, s’éloigner des parents? Être seul? Indépendant pourquoi
Je suis passé voir mes parents aujourd’hui. Et un geste de ma mère a suscité toutes ces tribulations. Au risque de publier ici quelques détails personnels, j’estime cependant qu’il me faut partager cette expérience.
Après un moment de discussion, où on fait le point sur ma carrière – les parents sénégalais ne seront jamais traquilles concernant leur enfant artiste – puis on fait le tour de ma situation personnelle – quand tu as 30ans et t’es célibataire, alors que t’as des cousines très éduquées, ambitieuses, Les mamans elles comprennent pas – bref, on fait une très vaste mise à jour et elle est contente de voir que je ne suis pas trop paumé. Dieu merci.
Je regarde l’heure, et lui dis que je vais prendre congé. En sortant je vois les sacs de riz entreposés dans le garage, elle revend du riz de la vallée. Elle m’apprend que le sac coûte. 8500 francs. Et je lui dit que je passerai en prendre.
Elle me demande ce que je vais faire d’un sac de riz tout seul, puis me propose de prendre plutôt dans la ration de la maison, 5kg.
Bon, j’aurai décliné et insisté mais j’avoue, je n’ai plus de riz. Donc je vais dans la cuisine, elle me montre les sachets, puis je vois des pommes de terres et des ognons – ou oignons? Je sais plus – je lui dis qu’il faut que je fasses les courses. Et elle me répond : prends les pommes et les patates et quelques ognons. Il va en rester beaucoup de toute façon. Je comprends qu’elle veut pas que ça pourrisse là, donc je prends pour lui rendre service.
Mais au moment de partir, elle me dit : t’as toujours pas acheté de viande j’imagine. Je lui confie que j’ai une flemme monumentale de faire les courses, mais qu’il faudra bien que je m’y colle. Elle me dit alors qu’il y a des poulets dans le congélateur. D’en prendre deux.
“Tu les paieras plus tard” ajoute t-elle. En bon noir je ne saurai décliner une offre gratuite de poulets ; tellement gros en plus les poulets. Donc je mets aussi dans un sac et prend congé finalement. Puis je réalises que je n’ai pas de caddie et que tout ceci va être difficile à transporter.
Mais quand ramasser devient facile, se courber n’est difficile que pour les ingrats.
Bref, je rentre chez moi, après avoir fait les courses chez mes parents, ou comme je préfère dire ; chez moi.
Aujourd’hui je comprends que la notion d’indépendance n’est pas forcément celle qu’on croit, celle de la séparation d’avec les parents, de la galère de l’individualisme. Au contraire c’est être une personne de ressources, capable de contribuer un tant soit peu, au développement de soi et de la famille. Savoir accepter de l’aide, aider en retour, et participer à la vie en communauté.
Où que vous soyez, c’est votre participation au groupe qui fait votre indépendance. Pas l’argent, mais comment vous vous épanouissez et participez à celui des autres.