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A l’instar de ses compagnons, elle s’accroupit en remuant les lèvres, et l’instant d’après, elle disparut aussi. Où elle se tenait, un petit tas de poussière tourbillonna. A présent, il ne restait que lui et son cousin Malik. Il voulait lui demander que faire, mais celui-ci le devança, comme s’il avait lu dans ses pensées :
Malik : Cours ! Aussi vite que tu peux, et ne te retournes pas !
Ali ne le se fit pas répéter deux fois. Il tourna les talons et entama un sprint sur les sentiers poussiéreux qui menaient vers sa concession, son cousin derrière lui. Ali courait aussi vite que ses jambes lui permettait depuis plusieurs minutes, lorsqu’il regarda par-dessus son épaule. Son cœur fit un bond trop brusque, lorsqu’il ne vit personne derrière lui. L’angoisse le gagna à nouveau. Il savait que Malik n’avait pas disparu pour l’abandonner, pourtant il n’était plus là. Il serra les poings ; que faire ? se demanda t –il. Un hurlement terrifiant brisa le silence nocturne. On aurait dit une bête qui agonisait. Ali ne comprit pas pourquoi il courut en direction des cris.
Plusieurs mètres plus loin, il vit d’où venaient les plaintes. Elles venaient de l’arbre bizarre. Il s’agitait frénétiquement, balançant ses longues branches qui ressemblaient à des bras pour chasser une ombre. Ali reconnut la silhouette corpulente de son cousin en s’approchant. Il livrait une bataille féroce contre son adversaire. La manche droite de son tee shirt était retroussée jusqu’à l’épaule, découvrant un énorme biceps autour duquel, était attaché un Nombo – gris-gris en forme de bracelet -, de couleur blanche. C’était la première fois qu’il voyait son cousin se battre. Il était très agile, et esquivait les coups que lui portait le végétal, et quand une ouverture se présentait, il frappait sur le tronc, avec son poing droit. L’arbre se recroquevillait, et chargeait à nouveau aussitôt.Il écrasait ses branches sur le sol, cherchant à les abattre sur son adversaire en vain. Ali se demanda ce qu’il pouvait faire pour aider son cousin, mais le combat était si intense, qu’il ne se sentit pas de taille à intervenir. Il resta là, en observateur.
Malik avait l’air au bout de ses forces après quelques minutes, ses mouvements étaient plus lents, et de temps à autres, il se tenait le bras droit, comme s’il en souffrait. Au moment où il se disait que son cousin perdait l’avantage, l’arbre fracassa ses longues branches sur son ennemi ; qui les évita une fois de plus, en faisant un pas de côté. Profitant de l’ouverture, Malik brandit son poing droit ; Son Nombo sembla briller d’une vive lumière blanchâtre, qui recouvrit son bras droit entièrement. Lorsqu’il frappa le tronc de l’arbre, celui-ci hurla; le même cri qu’Ali avait entendu quelques minutes plutôt. L’arbre devint comme fou, ses fouets s’agitèrent dans tous les sens, donnant des coups dans le vide, frappant le sol. Malik semblait exténué, il vacilla, mais parvint à rester sur ses jambes. Puis tout à coup, il tourna les talons, et se mit à courir aussi vite qu’il pu.
Malik : Cours ! dit-il à son Ali, en le dépassant comme une fusée.
Ils se sauvèrent en direction de la concession la plus proche, chez Ali. Ils avaient couru sans se retourner pendant ce qui leur sembla une éternité. Arrivés devant la palissade, ce dernier récita une incantation, puis poussa le portail fait de pieux, autour desquels s’enroulait un fil de fer barbelé. Ils se faufilèrent en silence à l’intérieur de sa chambre et refermèrent la porte. Il alluma une veilleuse, qui éclaira faiblement la pièce. Elle était assez large, et pauvrement aménagée. Seule une table rangée dans un coin, sur lesquels étaient posé un sac de voyage à coté d’une pile de livres faisait office de meuble. Les murs étaient couverts de quelques dessins poussiéreux qu’il avait lui-même fait étant plus jeune.
Malik S’allongea direct sur le lit posé à même le sol. Ils étaient trempés de sueur mais Malik nageait dans une flaque. Son poing était toujours serré, et Il se tenait le biceps droit à l’endroit où était attaché le bracelet. Ali s’approcha de lui et remarqua que le bras de son ami était enflé. Il avait presque doublé de volume. Les veines semblaient sur le point d’éclater, tellement elles étaient gonflées. Lorsqu’il essaya de le toucher, une sensation de brulure, lui fit retirer brusquement sa main. Malik était en proie à une fièvre terrible. Une chaleur intense se dégageait de son corps et ne tarda pas à réchauffer la pièce. Ali se précipita pour ouvrir la porte, pour aérer un peu la chambre.
Lorsqu’il poussa la porte, son cœur faillit s’arrêter de battre. Quelqu’un se tenait là, sous le faible éclairage de la lune, et de la veilleuse de la chambre. Il distingua une forme à trois jambes. Ce n’est que quelques secondes de frayeur plus tard, qu’il reconnut la silhouette de son grand père. NGOR était très vieux, et avait un long bâton, qu’il tenait toujours dans sa main, bien qu’il ne s’en servit pas pour marcher. Malgré son âge très avancé, « l’ancien » -comme Ali aimait l’appeler, dégageait un dynamisme extraordinaire.
Ali : Tiathi – grand-père – qu.. Que fais-tu là ? Balbutia t-il, encore sous le choc.
Le vieillard ne prit pas la peine de répondre, et s’engouffra dans la chambre. Au même moment, son cousin allongé sur le lit, commença à s’agiter, des spasmes violents le secouant. La chaleur commençait à devenir insoutenable pour Ali, mais il se dit qu’après tout ce que son cousin venait d’endurer pour les sauver, la moindre des choses était de rester à ses côtés, aussi pénible que la situation puisse être. Le vieil homme s’approcha de Malik, il se baissa pour observer attentivement le Nombo autour du bras du jeune garçon, qui était toujours secoué de violentes convulsions. Un sourire énigmatique passa brièvement sur ses lèvres.
Ngor: Il faut lui retirer ses gris-gris. Approche, tu vas m’aider. Je vais le tenir et tu vas les retirer.
Sans hésiter, Ali s’exécuta. Une vague de chaleur le submergea, quand il essaya de s’approcher trop près. Il se demanda comment le vieil homme faisait pour supporter cette canicule, mais l’heure n’était pas aux questions. Ce dernier posa son bâton sur le torse du jeune garçon, et ses convulsions se calmèrent aussitôt.
Ngor : Vas-y ! Détaches le nœud, et enlèves-lui le bracelet.
Le jeune homme essaya tant bien que mal de toucher l’objet en question, mais la chaleur était trop intense. Il était sûr de se bruler s’il le touchait. Il pensa à la souffrance que devait endurer son ami en ce moment, à tout le mal qu’il s’était donné pour le sauver et, rassemblant tout son courage, il tendit la main et saisit l’objet. La réaction ne se fit pas attendre : une vague de chaleur monta le long de son bras, et se répandit rapidement dans tout son corps. Très vite son corps devint engourdi, une fièvre terrible monta en lui, accompagné d’une mal de crâne atroce. Il lui sembla soudain que sa tête allait s’ouvrir en deux, il fut pris de vertiges et de nausées tandis que les larmes lui montaient aux yeux. Il s’attendait à une brulûre physique, et il était prêt à l’endurer, mais cette souffrance c’était plus qu’il ne pouvait supporter. Ali tremblait de tout son corps, trempé de sueur jusqu’aux os et la douleur ne cessait d’augmenter, comme si des centaines d’aiguilles lui piquaient le cerveau.
Il n’en pouvait plus, il allait vraiment mourir s’il ne retirait pas sa main.
Il lui sembla entendre une voix de loin, celle de son grand père, mais il n’arrivait pas à saisir tous les mots que disait celui-ci : … il le faut….sauver…mourir…. c’est tout ce qu’il comprit.
Il sentit la main du vieillard sur son épaule, même si tout son corps était endolori, ce geste lui donna le courage de tenir. Dans un dernier effort, il saisit le bracelet dans ses deux mains, dénoua le nœud, le fit glisser le long du bras de son cousin et le jeta à terre. Ali avait les veines sur ses tempes qui battaient furieusement, son cœur même battait trop vite, au point qu’il en eut mal. Il s’empoigna la poitrine, sa vision devint floue, le monde tourna trop vite, et il perdit connaissance.